Grandir est un processus naturel. Le
petit de chaque espèce vivante tend à se
développer naturellement pour atteindre sa
maturité, se reproduire et participer lui-même au
cycle des existences. L’enfant de l’homme grandit
physiquement, émotionnellement, spirituellement…
S’il finit de grandir physiquement à sa
maturité et commence à décliner, il
n’en continue pas moins, jusqu'à sa mort,
à se développer émotionnellement et
spirituellement.
Mais il arrive que ce développement inévitable
soit perturbé,
freiné, parfois interrompu. Ce sont les aléas de
l’existence : la vie
est si miraculeusement vulnérable. La perturbation est
source de
souffrance car cette croissance peut être interrompue,
déviée, l’élan
de vie contrarié : c’est l’image du brin
d’herbe dont la poussée est
soudain empêchée par une pierre roulant sur la
jeune pousse, lui
coupant ainsi le chemin de la lumière. Pour retrouver sa
voie
naturelle, il va lutter, se tordre, se contorsionner, revenir
à la
terre pour repartir, pâlir de souffrance. Dès
qu’un hasard
miséricordieux l’aide à se
libérer de cet obstacle, cette jeune pousse
repart tout droit vers la lumière.
Il en va de même pour nous les hommes. Nos peines sont
parfois si
fortes, si répétitives, que nous en perdons le
chemin de la croissance
; notre souffrance occupe un espace si vaste qu’elle nous
aveugle et
nous ne trouvons plus notre propre lumière. Alors la vie
nous inflige
de nouvelles épreuves afin de nous donner la
possibilité de la
retrouver, nous garder éveillés, nous
empêcher d’abandonner :
addictions diverses, alcool, drogues, travail, sexe, peur de toutes
natures, colères dangereuses… Certains,
épuisés, abandonnent et se
perdent, d’autres cherchent sans relâche un
ailleurs et se rendent
ainsi plus vulnérables, si fatigués ; certains
sentent que la pierre et
la lumière se trouvent à
l’intérieur d’eux-mêmes et
retrouvent ainsi
leur propre chemin.
Guérir
permet ma présence au monde et de vivre de ce que je suis
vraiment.
Grandir
élargit la présence à ce que je suis
vraiment.
Pour guérir, reprendre le chemin de la lumière,
vivre sa
liberté et grandir comme le fait ce brin d'herbe, il est
absolument nécessaire de ressentir que le chemin comme les
obstacles ne se trouvent nulle part ailleurs qu'en moi-même.
Eviter les échappatoires abondamment fournies par mon
incertitude, ressentir ce que je suis vraiment, sans concession ni
faiblesse, me recentrer, être présent quoiqu'il
arrive:
une vaste ambition aussi imprécise qu'un instant.